Roubaix – La Piscine
Après le musée Granet d’Aix-en-Provence et le Kunstmuseum Picasso de Münster en Allemagne, La Piscine accueille la troisième et dernière étape d’une exposition organisée, en collaboration avec la Fondation Jean et Suzanne Planque, à partir d’un ensemble exceptionnel d’une centaine de toiles et dessins réunis avec passion par un collectionneur suisse et complété par quelques prêts consentis par des institutions françaises et suisses.
Les six peintres que réunit cette exposition – Jean Bazaine (1904-2001), Roger Bissière (1886-1964), Elvire Jan (1904-1996), Jean Le Moal (1909-2007), Alfred Manessier (1911-1993) et Gustave Singier (1909-1984) – ne forment aucunement un groupe au sens que l’on donne à ce mot en parlant, par exemple, des impressionnistes ou des surréalistes. D’autant moins qu’ils ne se réclamèrent jamais d’une esthétique commune et ne rédigèrent aucun manifeste.
Il s’agit d’abord d’un groupe d’amis qui, un peu comme les Fauves, se fréquentèrent beaucoup, passant parfois leurs vacances ensemble, et travaillant en grande proximité. Encore faut-il distinguer Bissière, d’une génération antérieure à celle des cinq autres peintres, tous nés entre 1904 et 1911, qui le tenaient pour un maître quand bien même ce dernier ne souhaitait pas jouer ce rôle.
Au-delà de l’amitié qui les rapprochait, il y eut chez ces peintres le même souci de trouver une voie entre la représentation du monde (qu’ils pratiquèrent au début de leurs carrières) et une voie plus abstraite – que l’on désigne parfois par le terme de non-figuration. Leur approche est ainsi davantage liée à des émotions produites par des paysages aimés qu’à l’évocation d’une réalité identifiable. Au cours des quatre décennies (1945-1985) qui témoignent de leur activité, ils abandonnèrent peu à peu l’étude des formes – trop figées à leurs yeux – pour se plonger dans la transcription de forces qu’ils commençaient à percevoir, à l’instar des sciences, dans une nature agitée de mouvements secrets et de transformations incessantes.
Dès 1960, pourtant, l’art de ces peintres eut à souffrir du succès grandissant de la peinture américaine et fut parfois très injustement négligé par la critique et les musées. Le temps est venu de le redécouvrir et c’est là ce qu’ambitionne cette exposition inédite.
À Roubaix, ce projet prend sens en harmonie avec la présentation d’un autre groupe d’artistes et amis, réunis a posteriori sous l’appellation de « Groupe de Roubaix » et fortement marqués par cette seconde École de Paris au cœur des choix de ce collectionneur suisse. La place d’Alfred Manessier dans cette aventure septentrionale illustre de manière particulièrement éloquente les liens entre cette émergence locale et la scène artistique nationale des Trente Glorieuses.
Commissariat Florian Rodari et Maïlis Favre en collaboration avec Alain Madeleine-Perdrillat
Source : https://www.roubaix-lapiscine.com/expositions/en-cours/traverser-la-lumiere/